Existe-t-il une relation entre la judéité d'un écrivain et sa pratique littéraire ? Pour répondre à cette question, ce livre s'inscrit dans une perspective sociologique et se fonde sur l'analyse d'un corpus de plus de trois cents ouvrages, publiés entre 1945 et le début des années quatre-vingts par une soixantaine d'écrivains juifs contemporains de langue française.
La mémoire, l'exil, la famille, l'engagement politique, l'attachement à la France, le sentiment de solitude et un rapport à la langue complexe et parfois douloureux sont les thèmes le plus fréquemment abordés. Ces points communs ne suffisent cependant pas à accréditer la thèse de l'existence d'une littérature juive française.
En revanche, l'étude minutieuse des œuvres de cinq écrivains permet de préciser la nature du lien entre sentiment identitaire et pratique littéraire. Judéité et écriture sont expérimentées par Georges Perec sur le mode de l'absence, du gommage ; pour Romain Gary, l'identité comme la littérature sont soigneusement tenues à distance. Albert Memmi aborde à la fois les questions juives et les questions littéraires d'un point de vue politique ; un même principe d'ambivalence joue dans la manière dont Albert Cohen se définit en tant que juif et écrivain. Un des enjeux des textes d'Edmond Jabès, enfin, consiste à réaliser la fusion entre judéité et écriture. Une relation d'affinité entre écriture et judéité est ainsi démontrée.
En cherchant à concilier l'analyse des conditions sociales de production littéraire et l'étude des formes élémentaires de l'écriture, ce livre constitue un apport décisif à la sociologie de la littérature.