Séminaires de direction d'études (EHESS)http://www.ehess.fr/fr/enseignement Sociologie des inégalités et des ruptures socialesSerge Paugam, directeur d'étudesCompte-rendu 2008-2009 : Théorie des liens sociaux (suite)version imprimable Dans le prolongement du séminaire de l’année dernière, nous avons tenté d’articuler deux perspectives analytiques différentes, relatives l’une et l’autre, à la théorie des liens sociaux : la première correspond à la conceptualisation de Simmel sur la juxtaposition des cercles sociaux et leur entrecroisement spécifique dans chaque individu, la seconde renvoie à la thèse classique de l’interdépendance des individus au sein du système social. Trois hypothèses ont été élaborées : 1) Une configuration élargie de liens sociaux renforce l’autonomie de l’individu, mais s’accompagne aussi de fragilités spécifiques. Elle exige des individus forts, capables de trouver en eux-mêmes et dans leur entourage les ressources pour faire face aux épreuves de la vie. Elle est susceptible d’accroître les inégalités relationnelles et peut avoir pour effet d’abandonner les individus les plus défavorisés, ceux précisément qui étaient préservés par les avantages du groupe restreint ; 2) La diversification des appartenances ne se traduit pas obligatoirement par un effacement des liens sociaux fondés sur la similitude sociale (solidarité mécanique), il est même possible de constater un renforcement dans les sociétés modernes des processus de constitution d’entre soi sélectifs caractérisés par une volonté collective de clôture sociale ; 3) L’autonomie croissante des individus est soutenue par un ordre moral fondé sur le renforcement souhaité de la responsabilité individuelle dans de nombreuses sphères de la vie sociale, aussi bien dans le monde du travail que dans les politiques sociales et familiales. Pour vérifier la première hypothèse, nous avons exploité des enquêtes de trajectoires individuelles ou collectives, c’est-à-dire relatives à des groupes particuliers. Un lien a été établi avec les travaux du séminaire annuel de l’Equipe de Recherche sur les Inégalités Sociales (ERIS) sur la construction sociale des trajectoires. Une séance a également été consacrée à la thèse en cours de Marie Paule Couto sur le traumatisme historique vécu par les Pieds Noirs. La deuxième hypothèse a été étudiée en mobilisant des enquêtes récentes de sociologie urbaine. Michel Kokoreff ainsi que Eric Marlière ont présenté leurs travaux sur la marginalité des quartiers populaires dans une perspective historique et théorique. Par ailleurs, l’enquête Santé, Inégalités et Ruptures Sociales (SIRS) réalisée dans 50 quartiers de Paris et de l’agglomération parisienne a été mobilisée dans le séminaire pour analyser les facteurs sociaux de la détresse psychologique, et notamment l’effet contextuel de l’entre soi et de la similitude sociale. La monographie de deux quartiers réalisée par Benoît Roullin a enrichi l’approche statistique en permettant de prendre en compte également l’effet de la mémoire collective. Enfin, l’hypothèse de l’émergence d’un nouvel ordre moral de la responsabilité individuelle a été testée en partant des analyses de Durkheim sur l’éducation morale, mais aussi examinant plusieurs domaines de la vie économique, sociale et politique. Mélanie Guyonvarch a analysé les formes contemporaines de la doctrine de la flexibilité telles qu’elles ressortent du discours des responsables de ressources humaines de grandes entreprises. Manuella Roupnel a rappelé l’évolution historique du concept d’employabilité. Réjane Sénac-Slavinski a présenté ses travaux sur la notion de diversité telle qu’elle est mobilisée aujourd’hui dans les politiques publiques. Marion Wlodarczyk a repris la littérature sur la participation politique et la citoyenneté en soulignant le lien entre les théories de l’individualisme et de la reconnaissance d’une part, et du holisme et de la protection d’autre part. Enfin, une exploitation préliminaire des guides du travail social a été entreprise pour analyser comment la notion de responsabilité individuelle est de plus en plus associée au discours contemporain sur le développement personnel. Publications : Autres Ouvrages : - La pratique de la sociologie, Paris, PUF, coll. « L », 2008. - La régulation des pauvres (avec Nicolas Duvoux), Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2008. - Les nouveaux défis de la solidarité, Paris, Editions de l’Aube, 2009. Articles et contributions : - « Victor Hugo et Les Misérables, la fonction sociale d’un roman », in Les Misérables, un roman inconnu ? Paris, Maison de Victor Hugo (Paris musées), 2008, p. 54-59. - “Die Herausforderung der organischen Solidarität durch die Prekarisierung von Arbeit und Beschäftigung“, in Robert Castel, Klaus Dörre (hg.) Prekarität, Abstieg, Ausgrenzung. Die Soziale Fragi am Beginn des 21. Jahrhunderts, Frankfurt, Campus Verlag, 2009, p. 175-196. - "Las formas elementales de la pobreza" in Exclusión y Desarrollo Social en España. Madrid, Fundación Foessa, "Colección de estudios", 2008, p. 37-57. version imprimable |
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