Alain Chenu, Professeur des Universités, Institut d'Études Politiques de Paris
Christian BAUDELOT, Professeur des Universités, ENS Paris
Alain CHENU, Professeur des universités, IEP de Paris
François DUBET, Directeur d'études à l'EHESS et Professeur des Universités, Université Bordeaux Dominique SCHNAPPER, Directrice d'études à l'EHESS
Thèse soutenue à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
Cette contribution repose sur la conviction que le secteur associatif ne peut plus être appréhendé comme une entité se situant hors du système productif. C’est donc pour insister la rupture entre ce que l’on identifiait naguère comme le « mouvement » associatif et qui est devenu aujourd’hui un « secteur », que nous proposons de désigner l’ensemble des salariés employés par une association comme relevant d’une seule et même figure : celle du « travailleur associatif ». Son unité résidant dans le fait que ces travailleurs incarnent tous, selon des modes spécifiques de socialisation, une forme inédite de salariat de droit privé au service de l’action publique.
La première partie repose sur l’élaboration d’un cadre analytique susceptible d’embrasser l’ensemble des dimensions de « l’espace associatif ». Pour y parvenir, il est nécessaire de rompre avec les approches existantes en termes de « secteur sans but lucratif » ou fondées sur la référence à la notion « d’économie plurielle ». C’est pour dépasser leurs limites que nous mobilisons le concept « d’entreprise associative » qui s’incarne dans une pluralité de formes historiques. Leur mise en lumière s’appuie sur l’exploitation secondaire de l’enquête MATISSE réalisée en 1999.
La seconde partie prend pour objet les formes concrètes de la socialisation des travailleurs associatifs. En décrivant leurs conditions de travail et d’emploi sur le marché du travail, elle met en évidence les spécificités de l’intégration professionnelle dans le secteur associatif. D’une part, celui-ci échappe aux critères traditionnels de la reconnaissance professionnelle dans le sens où ce n’est pas le salaire qui constitue la mesure principale de la valeur du travailleur. Et d’autre part, la protection que procure le salariat associatif ne peut reposer entièrement sur l’accès aux droits sociaux dérivés de l’emploi, car sur le marché du travail associatif, c’est bien le salariat atypique qui est typique.
Enfin, il est clair que l’émergence de la figure du travailleur associatif est consubstantielle de l’érosion des frontières constitutives de la société salariale dont les fondements essentiels se sont établis autour de couples d’opposition tels que public/privé et salariat/bénévolat. Or, c’est parce qu’il est situé au cœur de ces tensions, qu’on ne peut considérer l’espace associatif comme une réalité homogène et univoque sans risquer d’en donner une représentation substantialisée.