Depuis les années 1980, marquées par l’adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Décennie des Nations unies pour les femmes, le genre semble avoir été progressivement intégré aux politiques mises en œuvre par les institutions de développement. Au tournant du siècle, « Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes » a ainsi constitué le troisième Objectif du millénaire pour le développement (OMD) avant de devenir le cinquième Objectif de développement durable (ODD) en 2015, cinq ans après la création de l’agence ONU Femmes entérinant la reconnaissance institutionnelle du champ de savoir « genre et développement » par le système des Nations unies. En France, la prise en compte du genre dans les politiques de développement et de solidarité internationale est incarnée par le Cadre d’intervention transversal sur le genre et la réduction des inégalités femmes-hommes adopté en 2014 par l’Agence française de développement (AFD). Celui-ci relève notamment de la Stratégie internationale de la France sur l’égalité entre les femmes et les hommes en vigueur depuis 2018, année à partir de laquelle la formule « diplomatie féministe » a été revendiquée par l’État.
Si la notion d’autonomisation, au cœur des politiques à destination des femmes mises en œuvre par les institutions de développement, émane du concept féministe d’empowerment désignant un processus de transformation radicale des inégalités structurelles, sa mobilisation dans le cadre des programmes de développement a soulevé des critiques relatives à la dépolitisation du terme concomitante d’une conception individualisante et restrictive de l’autonomie. Cherchant à dépasser ces controverses suscitées par l’institutionnalisation du concept, ma thèse replace au centre de la réflexion les normes de genre culturellement situées qui sous-tendent l’autonomisation des femmes à l’étranger, au prisme de la tension – centrale dans les politiques de développement – entre autonomie et dépendance. Il s’agira pour ce faire d’articuler les échelles (inter-)étatique, le système d’aide publique au développement matérialisant les liens historiques entre la France et les pays d’intervention principalement localisés en Afrique subsaharienne, et (inter-)individuelle, la mise en œuvre des projets financés en matière de lutte contre les inégalités de genre impliquant sur place des relations spécifiques entre aidant·es et aidé·es. Une importance singulière sera accordée aux points de vue des femmes ciblées par ces projets non seulement pour appréhender au mieux la manière dont elles les perçoivent et se les approprient mais aussi contribuer plus largement à « féminiser le regard » sur le développement international.